Etienne Dugas, président de l’ex-fédération des industriels de la fibre qui est récemment devenue InfraNum, la fédération des entreprises partenaires des territoires connectés a accordé une interview dans le cadre des Etats Généraux des RIP
L’occasion de faire avec lui un point sur les réseaux qui sont actuellement très sollicités et sur l’avancée du déploiement de la fibre alors que la France tourne au ralenti.
12 millions d’écoliers en ligne, la moitié de la population en télétravail à domicile, des dizaines de milliers de personnes confinées chez elles avec leurs smartphones, leurs tablettes, leurs ordinateurs… Les réseaux nous sont devenus vitaux. Vont-ils tenir ?
Le secteur des communications électroniques fait partie des activités essentielles reconnues par l’Etat depuis longtemps. C’est un fait juridique qui entraine des obligations pour les opérateurs notamment en termes de continuité d’activité. La situation est exceptionnelle, mais les opérateurs sont organisés pour maintenir en fonction les réseaux. Les impacts sur le débit sont maitrisés, même si on constate que les flux des grands diffuseurs doivent parfois être adaptés. Au niveau du maintien de l’accès et des réseaux, il y a eu quelques couacs de départ, comme l’intervention de forces de l’ordre pour renvoyer les agents de maintenance chez eux ou bien certaines communes qui refusaient des interventions par précaution, mais les ministères concernés ont désormais mis en place des moyens administratifs pour fluidifier ces opérations, avec l’appui des associations de collectivités quand cela est nécessaire.
Le Plan France Très Haut Débit affiche des objectifs ambitieux, la filière a doublé sa capacité de déploiement de lignes l’an dernier. La crise actuelle met-elle un coup d’arrêt aux déploiements, la filière souffre-t-elle ?
Si nous considérons que la maintenance peut désormais se poursuivre sans difficulté majeure, nous avons en revanche tiré la sonnette d’alarme sur la partie déploiement. Il est primordial de n’envoyer des agents sur le terrain que si nous avons la capacité à les protéger. Ce sont exactement les mêmes problèmes que pour la branche des travaux publics et pour cause, ce sont en partie les mêmes métiers. De manière générale, nous avons un problème de rupture de chaîne logistique, avec des ressources de transport plus limitées, des installations électriques au compte-goutte, aucun moyen de logement pour les ouvriers en déplacement pour ne citer qu’un exemple, mais notre plus gros enjeu… c’est celui des travaux publics. Nous ne pourrons pas produire sans eux et la situation est urgente. La chaîne de production des infrastructures numériques tourne déjà au ralenti, elle s’épuise chaque jour un peu plus, et sans intervention de l’Etat elle s’arrêtera probablement à la fin du mois, c’est-à-dire aujourd’hui. Si nous en arrivons là, les impacts économiques et sociaux seront terribles. Nous dialoguons quasi quotidiennement avec l’Etat et espérons que les moyens de redresser la barre seront trouvés à temps. Dans le cas inverse, c’est-à-dire si les entreprises ferment temporairement, d’une part une partie d’entre elle ne s’en remettrait probablement pas et d’autre part la filière mettrait une année entière pour revenir à une production nominale, avec une facture extrêmement lourde notamment en termes de chômage.
Selon vous, qu’est-ce que cette crise sanitaire peut nous apprendre sur le rôle que les réseaux jouent et seront amenés à jouer dorénavant dans nos vies ?
Ce n’était évidemment pas souhaitable, mais il me semble que la démonstration est criante quant à l’importance des réseaux et d’internet pour chacun d’entre nous, et pour la vie du pays en général. Imaginez la même crise sans moyen numérique, sans télétravail, sans divertissement digital… L’accès à internet est vraiment devenu essentiel et c’est d’ailleurs ce qui est désormais inscrit dans le code européen des communications électroniques (qui sera transposé d’ici la fin de l’année), puisque qu’internet fait désormais partie du service universel. Gageons également que l’Etat aura à cœur, lorsque la situation sera revenue à la normale, de compléter enfin à 100% les financements du FSN pour sécuriser le déploiement de la fibre optique jusque dans chaque foyer, y compris les plus ruraux, avec d’assurer une équité numérique.